mes sept collines à demi effacées sous mes pas, à mes murailles renversées, à mes cirques que j’ai arrondis avec ma truelle, à mes armes rouillées qui boivent ma rivière depuis mille ans, qu’ils me fassent ensemble une vaste cuirasse contre la colère de mon juge.
L’Ange.
Viens donc. Tu auras, pour te défendre, les cigales
qui chantent dans tes chardons et les longs
roseaux du Tibre.
Rome.
Quoi ! Pas une heure de plus ? Deux fois vivante,
deux fois morte, et voilà tout ! Quoi ! Pas une
heure seulement pour boire encore une fois l’eau
jaillissante de mes fontaines de cornaline, pour
peigner la crinière de mes étalons après la
course, pour jeter la curée à mes chiens
hurlant pendant la nuit ? Quoi ! Pas une heure
pour déterrer avec ma pelle la moitié de mes
jours ensevelis sous mes degrés, pour mener
paître mes troupeaux de chèvres dans les cours
de mes palais, pour allumer ma lampe dans le
caveau de mes papes, pour tirer le rideau sur
mes vierges que j’abandonne toutes seules endormies
sur leurs toiles, pour prendre mon pain et mon
sel de voyage sur ma table sans convive ?
L’Ange.
Non ! Pas une heure !
Rome.
Eh bien, je pars, mon Dieu. Mes tours sont déjà
loin. Je ne vois plus sur mon coteau mes cyprès
de Monte-Mario, ni mes pins qui me servaient
de dais, ni mon chêne de Saint-Onuphre qui
étendait son ombre sur mon banc. Mon soleil,
en se couchant, se tresse pour jamais une
couronne des joncs et des herbes fauchées de
ma campagne, comme un convive qui s’en va
emporte à sa main