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Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/342

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Quoi ! Voilà tout ? C’est là déjà notre barrière ! Elle est trop près. Je m’ennuie de la terre ; au ciel, je crois, je serais mieux.



Rachel.

Autrefois, quand je te donnais une fleur, tu ne désirais plus rien. à présent, que je suis toute à toi, je ne suis plus rien pour toi ; dis la vérité ?



Ahasvérus.

Pardonne-moi, mon cœur. Ce ne sont que des moments qui passent. Il y en a, tu le sais, où un brin d’herbe me ferait pleurer de joie, et d’autres où tout un ciel ne me suffirait pas.



Rachel.

Ce monde, qui s’en va, ne me fait pas pleurer, moi.

Mais je ne suis plus pour toi ce que j’ai été ; c’est là ce qui me fait mourir.



Ahasvérus.

Le mal ne vient pas de moi, sois-en sûre ; mais, ici, je ne peux pas guérir. Quand je suis le plus à toi, et que je sens mon cœur respirer dans ton cœur, c’est précisément alors que mes oreilles tintent, et qu’il y a une voix qui me crie : plus loin ! Plus loin ! Va-t’en jusqu’à ma mer d’amour.



Rachel.

Quoi ! Aussi, lorsque je te serre dans mes bras, je ne te suffis pas ?



Ahasvérus.

C’est là la maladie de mon âme. Quand mes lèvres ont bu ton haleine, j’ai encore soif, et la même voix me crie : plus loin ! Plus loin ! Va-t’en jusqu’à ma source ; et, quand je te presse sur mon sein, mon sein me dit : pourquoi n’est-ce pas la vierge infinie qui demeure au ciel ?



Rachel.