Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/117

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rouillée et fait mine de la placer devant sa poitrine. Il fait penser à ces moines que l’on voit défiler dans les estampes représentant les processions de la Ligue.

Nous n’avons quitté notre Ligueur que presque au bas de la montagne, car nous avons préféré descendre à pied jusqu’à la mer. Notre guide nous a accompagnés assez longtemps, à travers de fraîches prairies arrosées de clairs ruisseaux. Dans ces prairies des moines étaient occupés à faner. Ils s’arrêtaient dans leurs travaux pour nous regarder passer. Au bord de la mer, dans une petite crique, la vedette nous attendait auprès d’un vieux fort à demi-ruiné que gardaient quelques soldats turcs aux uniformes déguenillés.

Le yacht ne lèvera l’ancre que demain matin et nous avons passé la nuit en vue de cette pointe extrême de l’Athos. Tard, nous avons goûté la beauté de cette nuit merveilleusement, divinement belle. C’était bien une de ces « nuits d’Orient » célébrées par les poètes. La sombre masse boisée de l’Athos se détachait sur un ciel palpitant de la scintillation infinie des étoiles, et comme nous étions près du rivage, que la mer et l’air étaient immobiles en l’accord de leur silence, le chant des rossignols, posés aux branches des arbres ou à la cime des cyprès, venait jusqu’à nous, si