Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/173

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Bâti à l’italienne au milieu de beaux jardins, il est meublé avec un luxe effroyable. Fauteuils surdorés, couverts d’étoffes trop riches, tables de style viennois, miroirs de Murano d’un goût prétentieux, canapés somptueusement laids, ce qu’on appelle du « mobilier de pachas » et que les ateliers, paraît-il, fabriquent spécialement pour les « yalis » que leurs maîtres veulent moderniser. Aussi est-ce un plaisir de laisser là ces horreurs et d’aller marcher un peu dans la Vallée du Grand Seigneur, sur la route pierreuse que bordent des prairies et où un troupeau de chèvres broute les haies poussiéreuses, tandis que, sous un platane, leur gardien joue sur sa flûte un air mélancolique, rauque, et, tour à tour, aigu et doux…




Arrivée à l’entrée de la Mer Noire, la vedette fait demi-tour et nous arrête à Anatoli-Kavak qui est un village de pêcheurs, sur la rive d’Asie. Au bord de l’eau sèchent des filets bruns et s’étendent les branches ombreuses d’un grand platane. Ces villages turcs du Bosphore ont un charme singulier, âpre et doux à la fois. Celui-ci est dominé par la ruine d’un château génois jusqu’auquel nous montons. Un ardent soleil chauffe les vieilles