Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/71

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Ses mosaïques en font la beauté, mais à cette beauté je ne suis pas extrêmement sensible. La mosaïque n’a pas pour moi le charme de la fresque. Au mur, elle s’applique sans s’y incorporer ; elle le revêt d’un éclat d’émail et l’anime de personnages d’orfèvrerie. C’est un art d’insectes, un art patient. Ses couleurs ont les reflets métalliques du corselet des scarabées, des luisants de carapaces. Les figures n’ont que des formes et sont rarement humanisées par l’expression. Leur hiératisme les maintient hors de l’action à laquelle elles participent, de la scène qu’elles représentent. Elles attirent les yeux, mais ne parlent pas à l’âme. On n’a pas avec elles l’intime conversation à laquelle se prêtent les fresques, souvent si émouvantes en leurs expressions, si touchantes en leur vétusté et leur décrépitude. La mosaïque, elle, demeure hautaine et nous offre les images d’un monde immuable où le pathétique divin semble réglé par des protocoles de cour. Rarement les maîtres mosaïstes s’en sont affranchis. Seules quelques Vierges, de la coupole, d’où elles nous regardent de leurs immenses yeux, s’inclinent jusqu’à nous. Je pense à celles qui, à Murano, à Torcello, semblent frémir, en leur hiératisme attendri, de toutes les fièvres de la Lagune. Ceci dit, les mo-