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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/128

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l’abbaye d’évolayne

elle délié de tous ses devoirs envers elle ? Par quel miracle l’exigeante amoureuse, rivale de Dieu, était-elle devenue cette femme immolée qui, volontairement, renonçait à toute joie humaine ?

Sans oser conclure, le père Athanase se sentait ébranlé. Il ne ménagea plus sa pénitente. Sa direction, jusqu’alors complaisante, se fit plus stricte, presque étouffante. Il ne la traita plus en femme du monde, en pauvre être débile à qui l’on ne demande qu’un peu de bonne volonté, mais en religieuse. Il attaqua toutes ses habitudes de mollesse, régla sa vie heure par heure, l’obligea à une obéissance absolue, passive, et, toujours, il la trouva docile. Sa foi semblait ferme, sa piété était exacte, son cœur humble et dépouillé. Le religieux s’étonnait en silence.

Cependant, redoutant de se fier à ses seules lumières, il voulut que ses amis fussent examinés par le père Abbé. Celui-ci les reçut un jour et les interrogea pendant plusieurs heures. Ce fut Michel qui répondit. Adélaïde se borna à approuver ses paroles, certaine qu’en expliquant son âme il expliquait la sienne. Le père Abbé qui savait les vocations masculines beaucoup plus rares que les vocations féminines, penché sur ces deux néophytes s’intéressait surtout à l’homme. L’effacement volontaire de la femme ne lui permit pas de deviner sa personnalité. Il ne vit en elle qu’une créature douce et pieuse, reflet de son mari. Michel était, de toute évidence, déjà fort avancé dans les voies mystiques et entièrement détaché du monde. L’Abbé crut juger l’épouse en jugeant l’époux :

— Deux élus, mon fils, dit-il au père Athanase.

Fortifié par l’opinion de son chef spirituel, celui-