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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/150

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l’abbaye d’évolayne

s’efforçait de ne plus penser, se laissait en quelque sorte porter par toute la sollicitude qui l’environnait. Mais elle demeurait impuissante à discipliner sa pensée. Le cloître ne la défendait plus contre aucun mirage, n’enfermait que son corps. Elle continuait à dire les prières, à faire les gestes de la religieuse, mais elle avait repris en plein rêve sa vie d’autrefois. Elle était toujours auprès de Michel, seule avec lui, toute à lui.

Le moment approchait où il allait être ordonné prêtre. Une dernière fois, il reçut la permission d’écrire à sa femme pour lui annoncer que la cérémonie était fixée au mois suivant :

— J’attends, disait-il, dans la paix ce beau jour, couronnement de notre vie. Je ne m’agenouillerai pas seul au pied de l’autel, vous y serez à mes côtés. Mon sacrifice est avant tout le vôtre. Vous avez fait plus que de le permettre, vous l’avez voulu la première…

L’abbesse, après avoir pris connaissance de la lettre, la remit à Adélaïde. Celle-ci la relut plusieurs fois avec une émotion croissante. Elle pleura longtemps et ne sut dire si c’était de douleur ou de joie.

— Réjouissez-vous, ma fille, s’écria la mère Hermengarde. Nous autres, religieuses, nous n’avons jamais que notre vie à offrir. Plus favorisée que nous, plus riche, vous avez pu, en vous donnant, donner un prêtre à Dieu.

— Oui, murmura Adélaïde, J’en suis fière. Un instant, elle parut forte, enivrée du poids de sa croix, puis, presque aussitôt, le cœur surchargé céda sous le fardeau trop lourd, cria sa peine :