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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/152

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l’abbaye d’évolayne

elle qui, la première, très simplement, parlait de Michel. Il importait en effet que cette âme ne se repliât pas sur une passion désormais irréalisable pour s’en nourrir avec une complaisance de plus en plus coupable, de plus en plus épouvantée. Il ne fallait pas qu’elle se crût maudite et perdue parce qu’elle aimait. L’abbesse, doucement, la raisonnait, la rassurait :

— Vous avez le droit, disait-elle, de regretter votre mari, et il est naturel que ce regret prenne en ce moment un caractère plus déchirant. Si chrétienne qu’elle soit, une mère dont le fils est ordonné prêtre ne peut retenir ses larmes, et pourtant elle savait de tout temps que ce fils ne lui appartenait pas, qu’il la quitterait un jour, tandis qu’un époux semble appartenir pour toujours à sa femme. Le lien ne se rompt point sans que le cœur saigne et il n’y a point à s’en étonner. Au cloître, ma chère fille, il est permis d’aimer. Il suffit que Dieu garde la première place. Soyez généreuse. Ce sont les derniers sursauts de la femme en vous.

Ce langage apaisait Adélaïde, Puis, de nouveau, elle retombait en ses langueurs désespérées. Sans se décourager l’abbesse la relevait, la soutenait, la dirigeait avec tendresse avant de la soumettre à une épreuve qui pouvait être décisive. Dix jours avant l’ordination de Michel, elle lui recommanda de s’y préparer par une neuvaine et ajouta :

— J’ai demandé que votre mari célébrât sa première messe dans notre monastère. Il vous sera permis de lui parler un moment.

Les êtres d’imagination très vive subissent avec force la fascination de l’instant. Quand, sur la trame