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l’abbaye d’évolayne

— Du moins, dit-il, je voudrais vous bénir.

Elle s’agenouilla, acceptant le peu qu’il lui donnait. Debout, il l’enveloppa d’un grand signe de croix. Puis, aussitôt, il s’éloigna très vite, car il se souvenait du passé et il souffrait de la quitter. Dressée, accrochée à la grille, elle le vit disparaître, une porte se referma. Alors elle se détourna, fit quelques pas en courant puis s’arrêta, effrayée par le déchaînement d’une soudaine tempête. Ce n’étaient point sa chair ni son cœur seulement qui se plaignaient. Le sol sous ses pieds, les voûtes sur sa tête, mille voix dans l’espace clamaient : « Adieu ! Adieu ! » On eût dit que les murs se fendaient, que le monde entier s’écroulait. Elle oscilla de droite à gauche et s’abattit tout de son long sur les dalles.

Ce fut là que la mère Hermengarde la découvrit un quart d’heure plus tard. Le père Stéphane, avant de quitter Helmancourt, avait rassuré l’abbesse, lui donnant de son entrevue avec Adélaïde un compte rendu entièrement erroné. Car il n’avait vu qu’une femme plus heureuse encore que lui, plus détachée, plus sainte, et ses affirmations trompèrent la supérieure, lui persuadèrent que le miracle tant attendu s’était enfin accompli. L’évanouissement de la mère Constance l’inquiéta sans l’éclairer : la chair pouvait faiblir alors que l’âme restait forte. Ranimée, Adélaïde ne s’expliqua pas. Elle demeura inerte, faible comme un être qui a perdu des flots de sang. Elle ne se plaignait pas, ne parlait pas, ne semblait pas entendre ce qu’on lui disait. Elle refusait tout aliment, dormait une partie du jour et, dès qu’elle était réveillée pleurait, d’ailleurs sans convulsion ni effort. Ses larmes cou-