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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/164

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l’abbaye d’évolayne

laient lentes, intarissables, trahissant la douleur que rien n’allégeait. Peu à peu, elle recommença à se nourrir, essaya de se lever. Mais elle restait extrêmement faible, toussait beaucoup et, chaque soir, sa température s’élevait. La lésion pulmonaire laissée par sa pleurésie s’était rouverte, le médecin qui l’examina recommanda de grands ménagements. Loin d’être effrayée par son diagnostic, Adélaïde parut en éprouver un certain soulagement et, dès qu’elle se retrouva seule à l’infirmerie avec l’abbesse, déclara :

— Tout est bien ainsi, ma mère, je vais pouvoir partir.

L’abbesse sursauta :

— Partir !

Adélaïde la regarda, étonnée que la décision maintenant arrêtée en son esprit ne fût point familière aux autres comme à elle-même.

— Ne vous ai-je rien dit ? demanda-t-elle. Ah ! c’est vrai, j’ai dormi si longtemps ! J’ai sans doute rêvé que je vous parlais… Ma mère, je ne resterai pas au cloître. Ce que j’avais à faire ici est fait. Michel est prêtre, esclave et libre à la fois, esclave de Dieu, délivré de moi. Il n’a plus besoin que je sois emprisonnée derrière une grille.

Nulle amertume dans sa voix. Elle était devenue, à force de souffrance, presque insensible.

— Tout s’arrange parfaitement, reprit-elle, mon état de santé me fournit un motif pour demander à être relevée de mes vœux. Je puis partir sans scandale, car vous, ma mère, vous ne me retiendrez pas.

Elle parlait avec une fermeté douce, impressionnante. Il semblait qu’elle eût déjà secoué tous les