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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/165

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l’abbaye d’évolayne

jougs religieux. — Elle s’adressait à l’abbesse non plus comme à une supérieure respectée dont on attend avec soumission les conseils, mais comme à une amie, à une égale, liée à elle par une secrète connivence. Tout était absolument clair maintenant pour son âme. Elle ne croyait pas à sa vocation et savait que l’abbesse n’y croyait pas davantage, elle découvrait d’un mot leur mystérieux accord. « Vous ne me retiendrez pas, affirmait-elle. » La mère Hermengarde, en effet, ne l’osa pas. Si grand que fût ce désastre, elle ne voyait nul moyen d’y remédier. Elle objecta seulement.

— Où irez-vous ?

Adélaïde fit un geste vague.

— La terre est assez grande pour abriter ma fuite.

L’abbesse reprit, presque suppliante.

— Mon enfant, réfléchissez. Vous allez au-devant d’une vie misérable.

— Je sais, oui. Mais rester ici parce que je suis rejetée par Michel, parce que je n’ai rien de mieux à faire. Ma mère, vous ne pouvez pas m’y engager, cela n’est digne ni de vous ni de moi.

Encore une fois la mère Hermengarde se sentit dominée. Elle respectait trop cette âme égarée, mais sincère, pour lui conseiller l’acceptation lâche d’une existence claustrale que l’amour de Dieu n’embellirait pas, que l’habitude seule rendrait supportable. Cependant les dangers qui attendaient dans le monde une femme dont le bonheur humain avait été si cruellement saccagé ne laissaient pas de l’épouvanter. Elle tenta un dernier effort.

— Nul ne peut vous retenir contre votre gré,