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l’abbaye d’évolayne

— La preuve de Dieu ? lui avait dit le père Athanase, mais elle est en nous. D’où nous viendraient ce désir de perfection, si trompé ici-bas, cet appétit de l’immuable et de l’éternel, alors que sous nos yeux tout passe et meurt, si cela ne correspondait pas à une réalité cachée que nous découvre une révélation intime. D’où nous viendraient surtout ces évidences morales, à quoi nous nous soumettons. Le devoir ne peut venir du monde qui nous entoure, ni de nous-mêmes, puisqu’il s’impose à nous. Impératif et absolu, il suppose un souverain bien, il suppose Dieu.

Jadis ces paroles l’avaient convaincue. Elle les accueillait aujourd’hui avec un scepticisme accablé. Son âme lasse et blessée ne percevait plus le divin, pas même dans cet univers où tant de philosophes en avaient vu des traces si nombreuses.

Dans un vieux livre elle retrouva l’enchantement de saint Augustin devant ce monde ordonné dont la splendeur exigeait Dieu. Elle avait lu les pages où saint Thomas démontrait un premier moteur, une première intelligence, une première cause, un premier Être. Puisque les créatures n’existent pas par elles-mêmes, il faut bien arriver à l’Être qui existe par soi. Rien ne vient de rien, disait Bossuet. Si nous posons au début le néant, éternellement rien ne sera. Ce qui existe aujourd’hui nous force de conclure qu’existe un Dieu éternel :

Les créatures, disait Albert le Grand, nous crient qu’il y a un Dieu. Les choses belles attestent la beauté suprême, les choses élevées la plus élevée, les choses pures la plus pure.