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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/186

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l’abbaye d’évolayne

hôtels où elle passait, elle excitait une curiosité extrême, généralement sympathique. Sa beauté la faisait remarquer et plus encore sa solitude. Des avances lui furent faites ; elle s’y dérobait avec grâce. Parfois elle se sentait attirée vers certaines personnes : vieilles dames à l’air indulgent, jeunes filles malades ; elle engageait au hasard des rencontres de brèves conversations. Puis, dès qu’un commencement d’intimité semblait naître, elle s’effrayait à la pensée qu’on pourrait l’interroger, chercher à pénétrer le mystère de sa vie. Son malheur lui semblait trop exceptionnel pour être jamais avoué. Elle en avait honte comme d’un crime, tremblait de le voir découvert. Dès qu’elle se trouvait trop connue dans un hôtel, elle partait. Elle fit ainsi plusieurs stations de Haute-Savoie. En dernier lieu elle s’arrêta dans une pension de famille, située au flanc des Voyrons.

Le pays était beau. Des prairies inclinées, où le soleil et l’ombre chatoyaient magnifiquement, alternaient avec des forêts solennelles où, par le temps le plus beau, on marchait dans un demi-jour frais et vert.

Un après-midi, Adélaïde étant montée au sommet des Voyrons y fut surprise par un violent orage qui l’obligea à se réfugier pendant plusieurs heures dans une auberge abandonnée. Quand elle put se remettre en route, le brouillard enveloppait la montagne. Elle ne retrouva pas son chemin, descendit au hasard et la plupart du temps à pic sur des versants détrempés, glissants comme des patinoires, où elle fit plusieurs chutes très rudes. Le jour déclinait déjà quand elle faillit s’embourber dans une prairie marécageuse. Elle atteignit à