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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/222

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II

Obéissant au conseil reçu, Adélaïde, en quittant le parloir, regagna l’église abbatiale, y resta quelques instants à genoux, la tête dans ses mains. Elle répéta plusieurs fois tout bas les formules du Pater et de l’Ave avec une application inutile. Les mots les plus simples n’avaient plus pour elle aucune signification, tant son esprit en ce moment était distrait et vide. Elle ne souffrait plus. Elle ne songeait pas à se demander si Michel avait été doux ou sévère. Qu’il existât lui suffisait. Elle n’avait en quelque sorte nulle vie personnelle. Il vivait en elle, pensait en elle. Déchargée de son individualité, elle subissait la joie et la paix d’un autre.

Un peu plus tard seulement quand, après son dîner elle sortit sur la route, la division s’opéra. L’hôte bien-aimé qu’elle portait en elle lui fut insensiblement arraché du cœur. Durant quelque temps encore il demeura mêlé à elle d’une façon plus extérieure, comme dans l’étreinte et le baiser. Puis il redevint un être distinct, séparé. Ce fut un nouveau bonheur. Elle reprit avec le sentiment de son existence propre le pouvoir d’analyser son amour, d’en savourer la force. À l’extase presque inconsciente de la communion et de l’intimité