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l’abbaye d’évolayne

interdirait tout rapport entre les époux. Menacée dans son dernier rêve, Adélaïde s’apprêtait à lutter contre l’autorité ecclésiastique. Dans le recueillement de la nuit, elle préparait sa défense, présentait humblement sa réclamation :

— Eh bien ! oui, disait-elle, je me suis trompée. Je n’ai pu atteindre les sommets vers lesquels je m’élançais. Mais oserez-vous prétendre que mon sacrifice fut sans valeur ? Stérile pour moi, il fut profitable à un autre. Ce prêtre qui fait votre orgueil c’est moi qui vous l’ai donné. Je conserve des droits sur lui. Avant d’être à Dieu, il engagea sa vie à la mienne par un serment si sacré que le pape lui-même ne l’a point rompu, mais seulement délié. J’ai payé sa vocation de tout mon bonheur. Ah ! je ne vous le redemande pas puisque sa joie est de rester parmi vous. Je réclame simplement la possibilité de le revoir, de lui appartenir encore s’il ne m’appartient plus. Laissez-le-moi comme ami, comme guide. C’est bien peu, ce que je demande.

Elle plaidait contre des juges inconnus, sans personnalité distincte, contre le père Abbé, personnage sévère, emblème de l’autorité, contre les moines assemblés tels qu’elle les apercevait dans les stalles, silhouettes sombres et impassibles. Une seule figure familière se détachait de cette foule anonyme. Adélaïde ne vit plus devant elle que le père Athanase l’homme pur et bon, mais pas plus que les autres, ne saurait la comprendre, ni la plaindre. Vainement elle s’expliquait, suppliait. Il ne répondait que par de rares paroles, simples et fermes. Il lui présentait obstinément la