Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
l’abbaye d’évolayne

Elle appuya sa tête sur l’épaule du moine et acheva en sanglotant :

— Ne croyez-vous pas qu’il eût mieux valu, tout simplement, m’aimer.

Très bas, parce qu’il pleurait aussi, il murmura :

— Oui, Adé !

Car tout était clair maintenant pour lui et il n’avait plus besoin d’aucune explication pour savoir de quel prix elle avait payé sa vocation.

— Vous aimer, reprit-il à mi-voix, les lèvres sur sa joue, en sorte que chaque parole y formait comme un baiser, oui, j’aurais dû vous mieux aimer, vous défendre contre vous-même, refuser votre sacrifice, tellement insensé, pauvre âme, du moment que vous l’accomplissiez pour moi. Je n’ai pas compris. Qui donc comprend rien ici-bas, si ce n’est trop tard ? Pardonnez-moi.

Elle se rejeta en arrière, l’écartant de ses deux bras étendus et elle roulait sur le dossier du fauteuil sa belle tête :

— Non, dit-elle, vraiment ce serait trop facile de n’avoir qu’à dire : pardonnez-moi ! pour qu’aussitôt tout soit effacé. Pourquoi aurais-je pitié de vous, Michel, avez-vous eu pitié de moi ? Vous avez accepté simplement, joyeusement, mon sacrifice, sans voir qu’il dépassait mes forces. Vous ne m’avez pas ménagée, m’obligeant à monter sans cesse plus haut dans l’âpre chemin où je me suis rompue corps et âme. Parfois je me suis plainte, j’ai pleuré sans vous attendrir. Vous avez pensé qu’il m’était avantageux de souffrir, voyez où cela m’a conduite. Vous êtes convaincu que la douleur est sainte, nécessaire, mais avez-vous jamais le droit de la