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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/272

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VI

À six heures et demie, le dernier train du soir s’arrêta en gare d’Évolayne. Le père Athanase en descendit. D’un regard, il reprit possession du paysage familier, visible encore dans l’obscurité commençante et sans épaisseur. La voie ferrée, la route, les bâtiments blancs de la gare et de l’hôtellerie se détachaient en clair sur les grandes masses sombres des bois et des collines. L’abbaye, toute noire à sa base, par le haut baignait dans un ciel limpide où les dernières lueurs du couchant s’éteignaient sous le scintillement d’une seule petite étoile. Le moine sourit presque amoureusement. Jamais, si courte qu’eût été son absence, il ne revoyait sans émotion l’asile où depuis trente ans s’abritait sa vie. Le souvenir des deux êtres qu’il avait, le matin, donnés l’un à l’autre l’attendrissait aussi. Leur foyer serait un foyer chrétien. Des enfants y naîtraient, parmi lesquels Dieu se choisirait peut-être des serviteurs. Cette pensée accrut encore la joie du religieux. Il traversa d’un pas allègre la grande prairie qui s’étendait derrière la gare, entra dans le sous-bois noir, où la fraîcheur plus intense de l’air saisissait comme celle de l’eau. L’habitude, à défaut de clarté, le guidait dans le sentier connu. Il marchait