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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/280

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l’abbaye d’évolayne

communication humaine qui s’établit par l’échange des paroles, des regards, des signes. L’agonie commença. Les yeux se révulsèrent. Le visage rigide cessa de rien exprimer, les mouvements brusques, incertains devinrent convulsions et il n’y eut plus sur le lit qu’une forme aveugle qui, travaillée par des forces obscures, par de prodigieuses poussées de souffrance, se débattait confusément dans les liens craquants de la vie, cherchant la mort comme une issue.

Alors ce fut la longue veille aux abords de l’éternité. La maison était absolument tranquille, soit que les hôteliers l’eussent quittée pour se réfugier dans une dépendance, soit qu’ils se fussent endormis. Le râle d’Adélaïde, sourd et régulier, s’élevait seul dans le silence. La lampe voilée éclairait faiblement son visage blême, marbré de plaques rouges. Des mèches de cheveux se collaient à ses tempes. L’un des yeux disparaissait à demi sous la paupière abaissée, l’autre demeurait fixe. Les joues se creusaient autour de la bouche, qui, déviée, pendait d’un seul côté. Toute l’éclatante beauté dont resplendissait encore le matin cette figure charmante était déjà flétrie.

Il n’est point vrai, comme on le dit, que la mort fasse horreur aux vivants. Elle est la séduction suprême. Jamais, dans l’épanouissement de sa jeunesse, Adélaïde n’avait été plus aimée qu’à cette heure de déchéance. Pas un instant les deux prêtres qui l’assistaient ne firent défection, pas un instant la fatigue n’affaiblit l’attention passionnée qu’ils lui prêtaient. Ah ! si elle avait eu besoin d’eux, si incomplet qu’eût été son appel, ils l’eussent aussitôt compris et exaucé. Mais elle ne demandait