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l’abbaye d’évolayne

leur reine. Ils pouvaient trembler devant le Père, devant le Crucifié même, mais devant elle, si accessible, si humaine, parée de tous les charmes terrestres, ils étaient libres, confiants, joyeux, et l’imploraient sans crainte, avec l’audace tendre de l’enfant. Ils prolongèrent complaisamment les dernières invocations et le nom de Marie expira sur leurs lèvres avec des modulations lentes, caressantes.

Alors, durant un long moment, le silence régna dans l’église obscure. L’âme unanime des religieux se divisa. Chacun continuait en secret sa prière propre, reprenait sa méditation personnelle.

Un signal redressa d’un seul coup les sombres formes prosternées. Les moines descendaient maintenant du chœur en rangs bien ordonnés. Le père Abbé marchait en tête, reconnaissable à la grande croix d’argent qui ornait sa poitrine. Les pères suivaient, deux par deux, puis les frères convers. Ceux-ci ne portaient pas le scapulaire, mais la robe simplement serrée par la ceinture de cuir. Presque tous avaient de longues barbes, des visages à la fois rudes et doux. Leurs grosses mains durcies par les travaux des champs se joignaient dans un geste gauche et touchant. Tous, au bas des marches, à gauche, s’arrêtèrent un instant devant l’autel de saint Benoît où des lumières s’allumèrent. Après une courte prière, la longue théorie des moines se referma derrière son chef et disparut par la porte de clôture. Quelques religieux cependant ne suivirent pas les autres. Ils s’attardaient dans les bas côtés devant leurs autels favoris et priaient çà et là, à genoux sur les dalles, tandis que le frère portier qui attendait pour