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l’abbaye d’évolayne

fermer l’abbaye remuait ses clefs, donnait aux visiteurs le signal du départ. Adélaïde toucha l’épaule de Michel. Son attitude la surprenait un peu. Car tandis qu’elle avait suivi l’office en imitant les mouvements des moines, se levant, s’asseyant comme eux, Michel était demeuré tout le temps à genoux, la tête dans ses mains. Un instant elle le crut endormi, mais elle n’eut pas besoin de répéter son discret avertissement. S’étant signé, il la suivit.

Au dehors, leur recueillement persista. Ils descendirent la route sans parler. La nuit était sombre, bien que constellée d’étoiles. Ils ne pouvaient voir leurs visages. La première, Adélaïde soupira :

— C’était très beau !

— Je comprends, dit Michel pensivement, ce qu’a été la vie de Darbaud, ce qu’elle est encore. Qu’importe que la guerre ait détruit des millions d’hommes, la mort n’existe pas pour lui. Qu’importe que ce monde soit ébranlé, il n’y a point de place. Il est établi dans l’éternel, dans l’immuable. Il n’a pas besoin d’explication. Ce chant lui suffit par lequel, sans cesse, debout devant Dieu, il implore et rend grâce. C’est très beau en effet.

— Michel, demanda Adélaïde, vous avez prié, n’est-ce pas ?

— Oui, avoua-t-il à voix basse, comment s’en défendre ?

— Moi aussi, dit-elle joyeusement. C’est tout simple. Il faut participer à tout ce qui est grand. Quand, dans une ville étrangère, je vois passer un régiment avec son drapeau, par déférence pour le peuple qui m’accueille, je m’incline, je salue la patrie qui n’est pas la mienne. De même, devant