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l’abbaye d’évolayne

tholicisme intégral d’un Claudel qui lui rendit quelque respect pour une doctrine qu’elle croyait morte.

— J’admire la religion, comme une grande source de poésie, dit-elle. J’avoue que j’ai parfois méconnu sa noblesse pour ne sentir que ses limites.

— Quel système philosophique a vos préférences ?

— Aucun, dit-elle embarrassée. Tous contiennent sans doute une part de vérité, non la vérité tout entière qui demeure cachée à notre esprit débile.

— Au fond, vous vous plaisez dans l’incertitude, vous ne demandez pas la clef du mystère ?

Les questions du père étaient nettes, précises. Dès qu’il les avait formulées, ses lèvres se fermaient fortement. Il se penchait un peu vers Adélaïde, semblait écouter le battement secret de son cœur. Comme elle tardait à répondre, il reprit avec insistance :

— Nous avons pourtant un problème à résoudre ici-bas, avant qu’il ne soit trop tard. Vous ne pensez jamais à la mort ?

Il la considéra un instant attentivement. Parce que ses yeux demeuraient le plus souvent baissés, son regard surprenait et choquait comme un acte d’insupportable indiscrétion ; regard aigu qui ne s’attardait pas aux apparences, pénétrait dans l’intimité de la conscience. Le moine surprit le léger tressaillement d’Adélaïde. Il vit remonter des eaux profondes de son passé une douleur mal oubliée.

— La mort ! dit-elle d’une voix tremblante, pendant quatre ans je n’ai pensé qu’à elle ; quatre