Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
l’abbaye d’évolayne

sur moi et Maurice n’est-il pas à vos yeux une sauvegarde suffisante ?

— Oh ! certainement, dit-il, déconcerté, si vous désirez partir seule…

— Ce sera pour vous un bonheur et une délivrance, acheva-t-elle avec un rire provocant.

Cette fois il perdit patience. Il n’était point un saint. Sous l’aiguillon de tant de paroles aigres et méchantes, il eut un sursaut de colère :

— En voilà assez, s’écria-t-il durement. Je ne puis maintenant vous dire un mot sans que vous en dénaturiez le sens. Je ne le supporterai pas plus longtemps.

— Vraiment, riposta-t-elle ironiquement, et que dois-je faire ?

— Vous taire, reprit-il avec une écrasante autorité.

Elle ne désarma pas.

— Il est regrettable, dit-elle, que dans le mariage, comme dans les ordres religieux, on ne fasse pas vœu de silence.

— Du moins le vœu d’obéissance existe, répondit-il sévèrement.

Mais son regard exprimait maintenant plus de douleur que d’irritation.

— Je n’aurais pas cru, Adélaïde, que vous puissiez détruire ainsi volontairement notre bonheur. Vous m’aurez fait cruellement souffrir.

Elle ne répondit pas et détourna la tête, afin qu’il ne vît pas, dans ses yeux, brusquement voilés, commencer sa défaite.

Sitôt le déjeuner fini, elle partit selon sa coutume en promenade. Mais elle n’alla pas loin. La chaleur était forte. Une bizarre langueur s’insinuait dans