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l’abbaye d’évolayne

tout son être. Elle choisit pour s’y étendre un bois de sapin noir, tapissé d’aiguilles roses. Elle s’assoupit un moment et quand sa torpeur se dissipa ce fut en elle le réveil soudain de l’amour. Il y avait maintenant dix jours que durait sa brouille avec Michel, dix jours qu’ils n’avaient pas échangé une parole tendre, un baiser, dix jours qu’elle se rebellait contre lui, peut-être pour avoir plus de plaisir à lui céder. Soudain elle passa de l’orgueil à un état d’abaissement, de faiblesse extrême. Michel avait repris l’avantage dans leur dernière querelle. Sa plainte : « j’ai cruellement souffert par vous », en lui prouvant qu’elle pouvait encore blesser ce cœur qu’elle croyait insensible, la plongeait dans un abîme de remords. Elle examina sa conduite, la trouva odieuse et lâche. Qu’il eût manqué de confiance envers elle, rien n’était plus certain. Mais elle l’en avait méchamment puni, mettant à rude épreuve sa vertu nouvelle, abusant de l’obligation où il était de se montrer patient pour le tourmenter sans repos. Elle se jura d’être désormais meilleure. Dès ce soir, elle lui demanderait pardon. Elle réparerait ses torts.

Cela lui parut bien facile au premier abord. Sa colère apaisée elle se départait déjà de l’hostilité, plus voulue que réelle, qui l’avait, ces derniers temps, dressée contre le catholicisme. Elle prit la résolution de retourner à l’abbaye, d’y suivre les offices. Non seulement elle n’entraverait en rien les habitudes pieuses de son mari, mais elle y conformerait les siennes autant que possible, s’efforçant de comprendre ses sentiments. Il lui rendrait alors toute sa confiance. De nouveau ils seraient