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l’abbaye d’évolayne

— Rien n’est plus évident. Nous devons accepter la doctrine tout entière ou la rejeter. L’acte de foi : « Je crois tout ce que croit et enseigne la sainte Église catholique, parce que c’est vous, mon Dieu, qui le lui avez révélé, » ne souffre aucune restriction.

Elle resta un instant muette de saisissement :

— Quoi, Michel, dit-elle enfin, vous que j’ai toujours entendu excuser tous les égarements, tous les crimes, vous si indulgent à la faiblesse humaine, vous dont le cœur est si plein de pitié, vous admettez un Créateur damnant ses créatures.

— Comprenez-moi, reprit-il. J’ai horreur de ce Dieu inique dont certaines âmes fanatiques se servent comme d’un épouvantail pour effrayer et opprimer les autres : Dieu de colère, Dieu inflexible dont elles déchaînent à tout propos les foudres, certaines d’être seules épargnées. Nous n’avons pas le droit de nous croire sans tache, ni de juger personne. Ceci dit, des fautes existent si énormes, si fabuleuses, que la pitié même requiert pour elles un châtiment terrible, Adé, je vous ai vue soulevée d’horreur contre la cruauté. Songez à ces tyrans, à ces rois, à ces potentats de la terre, dont la volupté la plus douce fut de répandre à flots le sang. Ils ont infligé d’affreux supplices. Ils riaient en voyant brûler, crucifier, écarteler leurs frères. Ils se penchaient, curieux et impassibles, sur des corps déchirés. Nul martyre ne leur semblait assez long. Ils refusaient de faire grâce. Méritaient-ils la miséricorde qu’ils n’ont pas pratiquée ?

Elle trouvait en effet ce crime de la cruauté