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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/83

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l’abbaye d’évolayne

presque irrémissible. Cependant un vers de Hugo lui vint aux lèvres :

Un monstre est un infirme et l’infirme a ses droits.

Michel approuva d’un signe de tête :

— Dieu tient compte de cette infirmité. Elle peut provenir d’un manque d’intelligence ou d’imagination, de l’enivrement du pouvoir : tout cela est compris, pesé par la divine justice. Mais puisque nous sommes dans Victor Hugo, ne dit-il pas quelque part que chaque pécheur se crée à lui-même son propre châtiment ?

Elle avait la mémoire fidèle. Elle trouva tout de suite le passage que cherchait Michel :

L’assassin pâlirait s’il voyait sa victime :
C’est lui. L’oppresseur vil, le tyran sombre et fou
En frappant sans pitié sur tous, forge le clou
Qui le clouera dans l’ombre au fond de la matière.

Elle commençait à comprendre. Toute vérité exprimée sous une belle forme poétique trouvait aisément le chemin de son cœur, obtenait d’elle une adhésion émue. Pourtant, en repassant le poème de la Bouche d’ombre qui, jusqu’alors, avait été pour elle et pour Michel le texte essentiel où s’alimentait leur pensée religieuse, elle y voyait les âmes souillées, longtemps prisonnières de leurs crimes s’en évader peu à peu, retrouver enfin la route de l’azur :

— Pour le poète, dit-elle, tout aboutit au pardon définitif, à l’universelle réconciliation :

Et Jésus se penchant sur Bélial qui pleure,
Lui dira : C’est donc toi !