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l’abbaye d’évolayne

Michel aimait ces vers et il ne put les condamner :

— Bélial qui pleure, répéta-t-il, insistant sur les derniers mots, n’est plus Bélial. Les larmes sont le signe du repentir. L’erreur qui se repent, le crime qui implore, déjà sont en marche vers la lumière. Adé, vous avez un cœur trop plein d’amour pour comprendre que certaines âmes sont dominées par la haine, la haine de Dieu, du bien, de tout ce qui est grand. Elles cherchent obstinément les ténèbres. Elles résistent à la grâce, ne réclament nul pardon. Dieu leur ouvrirait en vain son ciel. Elles refuseraient d’y entrer. Il n’a pas à intervenir. Elles fuient d’elles-mêmes jusqu’au fond des enfers son intolérable amour. Toute vertu allège l’âme, la fait monter. Toute faute est un poids qui la précipite dans l’abîme.

Adélaïde soupira :

— Ce monde est triste, dit-elle, que je croyais si beau.

Ce fut la première ombre sur les horizons de paix et de clarté que lui avait ouverts la religion. Le dogme de l’enfer lui suggéra d’autres doutes sur l’origine du mal et de la douleur. Elle interrogea le père Athanase. Sa réponse fut franche :

— N’espérez pas de moi, dit-il, une explication absolument satisfaisante. Tous les théologiens ont vainement sondé ce problème du mal et de la souffrance. Dans ce monde, créé par un Dieu parfait un désordre s’est introduit qui ne peut être son ouvrage, qui doit donc être celui de sa créature. Et ceci est lié à la question du libre arbitre.

— Ah ! s’écria-t-elle avec une nouvelle révolte. Dieu devait savoir que l’homme pécherait. Pourquoi lui laissa-t-il une liberté si dangereuse ? Que