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l’abbaye d’évolayne

de son emportement, mais toujours inquiète.

Le moine l’apaisa d’un geste.

— Ce cas ne se présentera pas pour vous, soyez tranquille, dit-il gaiement. Il faudrait que vous eussiez, ainsi que Michel, la vocation religieuse, alors un consentement mutuel pourrait vous rendre libres tous deux. J’ai vu récemment des époux, un couple admirable, renoncer l’un à l’autre pour suivre des voies plus hautes que celle du mariage. Ils se sont séparés avec la permission du Saint Père et sont entrés au cloître. Je ne vous crois pas tentée de suivre un pareil exemple.

Elle respira. L’air lui parut soudain divinement pur.

— Non, en effet, dit-elle. Mon bonheur, je l’ai placé dans un seul être. Mon ambition ni mon désir n’iront jamais plus loin que lui. Il me suffit et pour toujours.

— Gardez-le donc, madame, conclut le père, et rendez-le heureux autant que vous le pourrez, l’aimant en Dieu comme il vous aime. Allons, n’ayez plus peur de moi. Je ne suis pas votre ennemi.

Il lui tendit la main avec un bon sourire et s’éloigna, jugeant l’entretien terminé. Seule, Adélaïde se calma tout à fait. Autour d’elle le vent, écartant par moments les branches, creusait dans les bois des trouées de lumière. Herbes et feuilles scintillaient au soleil, puis rentraient dans une ombre dorée. L’heure pesante de midi lui dispensait une sorte de torpeur douce. Elle se sentait délicieusement rassurée et croyait avoir reconquis un grand trésor qu’elle ne laisserait plus échapper.