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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/95

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VI

À la réflexion les paroles du père Athanase : « Gardez-le donc, madame, et rendez-le heureux autant que vous le pourrez, » prirent pour Adélaïde un sens ironique. Ces quelques mots soulignaient les limites, chaque jour plus restreintes, de son influence conjugale. Michel ne cherchait plus sa joie en elle et elle ne pouvait rien lui donner dont il eût vraiment soif. Jamais il ne lui avait témoigné tendresse plus égale, plus sereine, ni plus fade. Il la chérissait en Dieu, c’est-à-dire comme une sœur, pas plus que son prochain, pas plus que le premier venu. Mais elle qui aimait son mari de toute sa chair comme de toute son âme, désirait être aimée de même. Or, dès les premiers temps de leur séjour à Évolayne, il n’était venu que bien rarement frapper le soir à la porte de sa chambre. Depuis qu’elle s’était convertie, il se bornait à l’embrasser chaque matin, chaque soir avec une affection calme qui la désespérait. Elle tenta vainement de ranimer en lui l’attrait de sa beauté. Jamais il ne ratifiait par une parole flatteuse ce que lui disait son miroir. Jamais plus, il ne se troublait devant la splendeur de son visage comme au premier soir de leur arrivée, lorsqu’il avait dit : « Ne soyez plus si