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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/96

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l’abbaye d’évolayne

belle ». Il critiquait souvent ses toilettes, les trouvait indécentes. Il se disait incommodé par la violence de ses parfums. Elle ne comprenait rien à son attitude.

— Croirait-il pécher en m’aimant ? songeait-elle. Pourtant, je suis sa femme. La religion permet l’amour conjugal.

Elle fût morte plutôt que d’avouer sa secrète et honteuse souffrance. Cependant quelqu’un l’avait devinée. Deux jours après son entretien avec le père Athanase, Michel passa la nuit près d’elle. Nuit amère où, longtemps après qu’il se fut endormi, elle veilla et pleura dans les ténèbres. Jamais peut-être plus qu’en ses bras elle ne s’était sentie seule. Elle eut l’impression qu’il ne lui revenait que par devoir et probablement sur l’ordre absolu de son directeur. Elle ne se trompait pas. À travers ses divagations, ses emportements, le moine avait discerné la réclamation de l’amoureuse abandonnée. L’expérience acquise en confession le rendait attentif à de telles plaintes. À ses yeux comme aux yeux de l’Église, Michel encourait de graves responsabilités en délaissant une femme jeune, éprise, ardente que son indifférence risquait de précipiter tôt ou tard dans le désordre. Le religieux ayant interrogé son ami, lui rappela que l’homme marié n’était point tenu de vivre dans la chasteté, mais devait au contraire remplir ses obligations conjugales et garder l’espoir d’une postérité. Cette intervention parut odieuse à Adélaïde. Elle voulait être aimée librement, non par obéissance aux lois du mariage. Désormais ce fut elle qui écarta Michel. Chaque soir, en le quittant, elle se plaignait d’être fatiguée, fermait ostensiblement derrière lui sa