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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/97

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l’abbaye d’évolayne

porte à clef. Elle le chérissait assez noblement pour servir d’elle-même ses désirs d’ascétisme. Peu à peu la privation qu’elle acceptait devint pour elle une douceur. Son amour qui ne se réalisait plus s’exaltait, tirait de rien sa joie. Michel redevint pour elle un étranger. Elle goûta de nouveau près de lui des émotions oubliées qu’avait affaiblies l’habitude. Elle éprouvait maintenant au seul contact de sa main une joie presque aussi vive qu’autrefois sous son plus brûlant baiser. Sa présence, son regard, son sourire la rassasiaient parce qu’elle mourait de faim. Elle fût parvenue à être heureuse en renonçant à toute possession chamelle si, du moins, leur intimité spirituelle avait été complète. Elle tenta de la rendre chaque jour plus parfaite. Elle suivait docilement Michel à tous les offices, communiait avec lui, s’efforçait de l’atteindre en Dieu. Mais son âme lui échappait, même dans la prière commune, où elle ne songeait qu’à lui alors qu’il l’oubliait. Il ne lisait plus que des livres de théologie qu’elle ne comprenait pas. Jadis, quand il était las des dures réalités de la science, il demandait à l’art, à la beauté, à la poésie, à l’amour cette exaltation qui jette l’âme sur les cimes des rêves héroïques, des désirs infinis. Maintenant un livre, une femme étaient pour lui un monde borné. L’univers sans limites et sans ombres de Dieu s’ouvrait devant cet esprit impatient. Occupé à poursuivre une éternelle découverte, il ne se sentait vivre qu’à l’abbaye.

Par condescendance, il accompagnait cependant parfois Adélaïde dans ses promenades. Elle le sentait distrait, lointain, absorbé dans ses méditations religieuses. Une période d’écrasante cha-