mais ne changea rien aux conditions de son existence. Cet homme singulier, qui demeurait absent des années, sans presque donner de ses nouvelles, et dont, petite fille, elle suivait les itinéraires sur la carte, lui est toujours apparu comme un personnage fantastique et comme une sorte de héros de roman. Au retour de ses voyages, Ernest Tullier prenait Germaine dans ses bras, l’embrassait sur les deux joues et ne pensait plus qu’à déballer ses caisses de collections, ses échantillons, ses insectes, ses trophées de chasse, tous les objets bizarres qu’il rapportait de chez les sauvages, ses amis les sauvages, comme il disait, et qui, malgré ce beau titre, ne se firent pas scrupule de le percer de leurs flèches et de leurs sagaies. Peut-être même le mangèrent-ils, car on ne retrouva jamais le corps de l’explorateur Tullier.
Cette mort a fait de Germaine la véritable fille du docteur et de sa femme. Aussi voudraient-ils bien la marier, mais ils ne s’y décideront jamais. Ils veulent pour elle un mari pourvu de toutes les perfections et, dès qu’un prétendant se présente, il lui faut subir un double et terrible examen de la part des Tullier, que leur amour pour Germaine rend d’une redoutable perspicacité. Le docteur s’occupe du physique, Mme Tullier du moral, et jamais ils ne s’accordèrent pour trouver réunies, en un seul homme, les qualités qu’ils requièrent des audacieux. Germaine est la première à s’amuser des exigences de son oncle et de sa tante, et elle leur est reconnaissante de la tendresse dont leurs