Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/60

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Tout en subissant, à mon tour, la fascination commune qui avait réuni autour de Madame de Termiane ceux que son apparition au seuil attirait dans la grotte de sa solitude et de ses mystères, j’en discutais avec moi-même les dangers. Elle me semblait la fleur éclose à l’entrée des voies souterraines et périlleuses. Elle me paraissait la fissure vers l’au-delà par où s’engouffrent les âmes, imperceptiblement et furieusement, la sorcière admirable qu’on n’exorcise plus. Je respirais la cavité de la spirale magique. Toute la semaine je fus inquiet et énervé. L’insomnie m’épuisa. Une grande fatigue m’accablait. Enfin le jour attendu arriva.

Dès le matin je le pressentis interminable. Pour me distraire de mes pensées je sortis de la ville et j’errai dans la campagne. L’été finissait. J’allai le long de la rivière : elle coulait verte et fluide sur de longues herbes inclinées ; je la suivis, elle passait non loin du palais de Madame de Termiane, et l’idée me vint de rôder alentour, mais, arrivé au bout de l’avenue qui mène à la grille je m’arrêtai et je m’assis sur une borne de pierre. Il me sembla que le crépuscule se faisait tout à coup ; le vieil hôtel