Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ayant su que j’allais à Ochria, il me proposa, s’y rendant aussi, de m’y mener par le plus court ; la journée s’achevait. Nous longions maintenant des haies décharnées enclosant l’aridité de champs pierreux. À un carrefour nous rencontrâmes un troupeau de chèvres. Elles broutaient une herbe sèche. Leurs barbiches pointaient, le bruit de leurs petits sabots dandinait leurs pis flasques ; au milieu d’elles, un bouc à cornes tordues paradait, obscène, prétentieux et puant.

« Il a vraiment une mine de vieux satyre », me dit mon compagnon avec un bref rire chevrotant. Il s’était arrêté pour considérer la bête qui le regardait curieusement.

Le soleil baissait. Une lumière d’or pâle teignait les objets ; la terre que nous foulions était rance et bilieuse et, derrière nous, l’âcre montagne étageait ses masses d’ocre cariée. Mon interlocuteur reprit : « Oui, cette terre est mystérieuse et il s’y passe des choses surprenantes ; les races disparues s’y refont : j’en tiens presque la preuve et j’en guette la certitude ».

Il tira avec précaution de son porte-manteau une motte de glaise jaunâtre et me la tendit. L’argile s’effrita un peu dans ma main. « Voyez-