Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/84

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meublé d’armes et de poupées, car il se plaisait à manier le fer et à jouer aux marmousets ; il se connaissait en épées et en fantoches, aimant les panoplies et les mannequins dont il avait, des unes, toute une collection, et des autres, toute une assemblée ; mais au fond, son armurerie le préoccupait moins que ses marionnettes. Leurs mines de cire peinte, leurs corps de chiffon, leurs bras d’osier se prêtaient à des jeux de fards, de parures et d’attitudes, étaient complaisants aux uniformes, aux robes, aux livrées, et leur petite taille servait au Prince à des essais en miniature d’où ensuite il réglementait l’habit des troupes, la souquenille des valets et même l’ajustement des dames ; il y croyait exceller, et l’empruntait parfois, moins pour se divertir que dans l’espoir inavoué qu’on admirerait la grâce de son travesti et la galanterie de sa mascarade.

Je le revoyais donc, coudoyant ses figurines et discutant, avec l’âpreté d’un maniaque jointe à la rouerie d’un diplomate, le point où il voulait m’amener. Parfois, en arrêt devant un miroir pour s’y rajuster, j’y apercevais sa face pâlote et son grand nez ; ses basques lui battaient aux jambes et il revenait à moi, plus