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ARÉTHUSE


LA PLUS VIEILLE


Rentrons, la tâche est faite et le fuseau se tait !
Les Tisserandes vont avec la Filandière
Et la pluie et le vent rôdent par la forêt.

Emportez le métier et l’aiguille ouvrière,
Il pleut sur nos cheveux, mes sœurs, il pleut là-bas
Et dans le vent au loin battent les cœurs du lierre !

Les arbres, tour à tour, retiennent de leurs bras
Le vent brusque qui fuit de leur étreinte et traîne
Les feuilles en émoi que soulèvent ses pas ;

Il pleut sur nos cheveux, il pleut dans la fontaine
Et l’averse déjà rit à travers ses pleurs !
Toute la terre embaume impétueuse et saine

Vers celle-là qui vient debout parmi les fleurs.


Le chœur s’est retiré. Le soleil illumine de nouveau la forêt ; on entend l’eau qui s’égoutte des branches ; une tiédeur molle s’exhale. Tous deux entrent ; lui vêtu d’un manteau sombre. Elle, rieuse et langoureuse, qui marche onduleusement ; une draperie légère de gaze embrume son corps nu. Ses cheveux mal rassemblés croulent à demi sur sa nuque. Elle tient des roses à la main.


ELLE


Veux-tu ces roses ?
Elles sont fraîches à mes mains mouillées
Et je me suis agenouillée