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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS

Regarde-la qui pleut de soleil et ruisselle
En larmes claires et qui luit et qui s’ocelle,
Glauque d’émeraude et d’or comme un paon qui roue…
Vois, une goutte d’eau a coulé sur ma joue
Et elle s’arrête et tremble au coin de ma lèvre
Puis, fraîche, glisse entre mes seins et, toute tiède,
Je frissonne un peu pâle et toute chatouillée ;
Ma chevelure croule à demi et mouillée
Elle est si lourde que son poids me lasse et pèse
Comme de l’or qui se fondrait et serait tiède.
Ah ! je voudrais dormir dans ce qu’en moi je sens
De délices et les mains à ma nuque…

Sens
L’odeur de ma peau moite et touche ma peau nue
Où toute une tiédeur en parfums m’est venue
Qui m’accable et m’embaume et tu respirerais
En mon souffle l’odeur de toute la forêt…
Oh ! mes yeux purs sont frais en moi comme des sources !
Des endroits de ma peau se veloutent de mousses,
Il me semble aujourd’hui que mes seins sont éclos,
Si je pleurais de doux ramiers seraient l’écho
Et des abeilles sont éparses dans mes rires,
Et parmi la douceur de l’air où je m’étire
Je me semble plus grande et je me sens plus belle
Et magnifique de la Vie universelle !