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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS

Et ta bouche ne sait que le baiser et rire
Aux abeilles que d’être douce tu attires ;
Un éternel soleil semble farder ta joue,
Ta chevelure au moindre geste se dénoue,
Ton sein sort de ta robe et ton ventre soulève
L’étoffe claire qui palpite quand tu rêves,
Lasse et molle de ton animale tiédeur,
Couchée avec les yeux ouverts, parmi les fleurs,
Ou paresseuse avec les coudes sur les roses ;
Je te sens odorante et je te songe fauve.
Va-t’en car je te chasse, impure, et je suis las
Des touffes d’ambre et d’or qui frisent sous tes bras,
De ta bouche où je bois comme des fruits qui fondent,
De ta chevelure dont la houle t’inonde
Et que je voudrais prendre à la poignée et tordre,
De tes seins que tu me tends pour que je les morde,
De ton ventre où je sens sous ma main qui le touche
Un soubresaut de bête engourdie et farouche,
Et de toute la vie ardente et bestiale
Qu’autour de toi ta chair dans l’été roux exhale !

Le vent souffle.

Je te chasse, va-t’en, recule ou sois une autre,
Car je suis las de cette bête qui se vautre
Et qui se cambre et qui s’étire et qui est nue,
Va-t’en ! sinon de toute ma colère accrue,