Page:Régnier - Les Médailles d’argile, 1903.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
la nuit des dieux

Vers qui fumait l’encens et ruisselait l’autel
Du sang quotidien de victimes sans nombre
Et qui ne sont plus rien maintenant que des Ombres ?

Ils rêvent, anxieux, espérant le soleil
Et que le songe ambroisien, noble et vermeil
Recommence et que l’exil cesse et que l’on sorte
De l’Ile souterraine autour de qui l’eau morte
Du noir Styx passe, court et s’écoule sans bruit,
Car leur foule nocturne est lasse de la nuit.
Mars, comme pour partir, rattache sa sandale
Et Vénus, belle encor, en cette onde infernale,
Trempe son pied, tandis que Neptune prudent
Semble sonder un gué du bout de son trident.

Contemple tous ceux-là de qui fut générique
La joie olympienne ou la force olympique,
Qui furent autrefois l’oracle et le destin,
La réponse de l’antre et le mot sybillin,
L’écho sacré, la flûte alternée et la lyre,
Les cymbales, le cri, la danse, le délire,
Le parfum de la rose et l’odeur du laurier,
L’ode religieuse et le refrain guerrier,
Le roulement des chars ou le choc des tonnerres,
Les murmures du ciel, les frissons de la terre,
La houle des moissons qui font le sol mouvant