Page:Régnier - Portraits et Souvenirs, 1913.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« SOUS LE MANTEAU VENITIEN » l69


aucun théâtre, devant aucun personnage quel qu’il fût.

Ce traitement de faveur accordé à la « baüta » avait du reste ses raisons d’être. Lui octroyait-on simplement ces libertés et ces privilèges pour mettre à leur aise les graves magistrats, les pompeux sénateurs et pour donner au peuple le plaisir de pouvoir impunément les coudoyer ? M. de Hohenlohe voit dans la condescendance du gouvernement de Venise pour le « masque national » des motifs politiques, surtout à l’époque qui précéda la Révolution française, où le port de la « baüta » fut imposé par une loi à la noblesse vénitienne.


Durant cette période, en effet, les « idées françaises» avaient commencé à pénétrera Venise avec les théories des Encyclopédistes. Elles y étaient accueillies avec empressement. Or, le gouvernement conservateur craignait et empêchait leur importation autant que possible, se rendant bien compte de l’effet funeste de cette propagande. Il la combattait de toute sa force, jusqu’à proscrire non seulement les écrits des philosophes, mais aussi l’habillement à la française. On peut donc supposer que les inquisiteurs, ne pouvant parvenir à abolir ces modes subversives, aient pensé les cacher en obligeant la noblesse à l’usage de la « baüta » traditionnelle.

L’observation de ces prescriptions n’allait pas,