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12 PORTRAITS ET SOUVENIRS

quelques autres, tel est le titre complet de cet « ouvrage ou plutôt recueil » que le Rédacteur nous présente dans son introduction comme formé d’une correspondance véritable où l’on a changé les noms des personnes et des lieux avant de la livrer au public.

Il est bien certain qu’il ne faut voir dans la prétendue authenticité de ces lettres qu’un subterfuge et une précaution littéraires, mais ce procédé n’en est pas moins un indice intéressant des intentions de Laclos. N’est-ce pas un moyen d’avertir le public de la nature particulière de ce roman et de marquer son caractère de vérité ? Les Liaisons dangereuses veulent être un livre d’observation. C’est en ce sens que parle aussi l’épigraphe qui le précède, tirée de la Nouvelle Héloïse. « J’ai vu les mœurs de ce siècle et j’ai publié ce livre », s’écrie Rousseau ! Laclos va plus loin. Pour mieux établir son attitude d’observateur philosophe, il feint que son livre soit le produit involontaire et fortuit de certaines mœurs du temps. Elles y témoignent elles-mêmes de ce qu’elles sont. Laclos ne veut être que l’intermédiaire qui aide à mettre au jour ce terrible témoignage. Le hasard le lui a fourni et, destiné à demeurer secret, il en prend encore plus de force, de poids et de valeur.

Je crois que c’est bien de cette façon qu’il faut comprendre l’artifice dont s’est servi Laclos. Est-il