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Page:Régnier - Portraits et Souvenirs, 1913.djvu/19

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LACLOS

donc besoin d’y voir un moyen de piquer la curiosité publique en laissant supposer, sinon que de telles lettres eussent été réellement échangées, du moins qu’il y avait dans ce qu’elles révélaient un « fond de vrai » et que, derrière le voile, on pouvait reconnaître des figures véritables et dissimulées ? Laclos était un esprit trop fin et trop avisé pour ne pas penser que les lecteurs chercheraient d’eux-mêmes ce a fond devrai » que l'on veut toujours trouver à certains romans. A quoi bon provoquer le public à ce jeu des transparents ? N’est-il pas presque inévitable pour tous les ouvrages qui, comme celui de Laclos, dénoncent un aspect inavoué et exact des mœurs ? Il semble alors que la société, qui se sent atteinte dans ses petits mystères et ses coutumes clandestines par ces sortes de livres, ait l’instinct assez naturel de s’en défendre en en faisant ce qu’on appelle des livres à clé. Par là, elle réduit au particulier ce qui risquait d’être général. Elle diminue la portée du tableau en y dénonçant des ressemblances personnelles, et préfère, au lieu qu’il y ait des Valmont, qu’il n’y ait tout au plus qu’un M. de Valmont.

Par un détour assez singulier, cette tactique n’eut point, pour les Liaisons, l'effet attendu. L’accord ne se fit pas au sujet des héros réels de cette tragédie anonyme. Des listes coururent, mais elles se couvrirent d’assez de noms pour que cette diver-