LACLOS 17
du mouvement de ses gestes et du moment de ses
larmes. Il en remontrerait également au policier le
plus expert. Il connaît tous les stratagèmes, toutes
les ruses et toutes les ressources. Il en a même
inventé, car il se pique d’être nouveau. Il se plaint
que les parents n’apprennent pas à leurs enfants
les talents des filous, et qu’il ait dû faire son éducation lui-même. Voyez-le au château de Mme de
Rosemonde, comme il arrête les correspondances,
fouille les secrétaires, retourne les poches, dérobe
les clefs et en fait fabriquer de fausses ! Il y a en
lui de l’escamoteur et du voleur. Il a de l’un la dextérité, de l’autre l’audace. Il rôde, la nuit, dans les
corridors, en déshabillé, furtif et hardi, ombre
redoutable, Eros nocturne qui a pris la lampe de
Psyché pour s’en faire une lanterne sourde.
Avec cela, il est aimable. Dans le cercle, il est
charmant, empressé, spirituel, attentif, quoiqu’il
soit une tête bien occupée. La sienne travaille continuellement. Il combine, calcule, prévoit. Il se sent
digne de lui-même. Il a le sentiment de sa célébrité.
C’est cette célébrité qui attire à lui Mme de Merteuil. Ils se prennent, se quittent, mais un lien a
survécu à leur liaison. Il y a entre eux des ressemblances. Ils jouent le même jeu avec des cartes différentes. Tout ce qui illustre M. de Valmont perdrait Mme de Merteuil. Lui, opère à découvert. Il est