•20 PORTRAITS ET SOUVENIRS
vanité, cet amour, même cruel et gâté, ne nous
empêche-t-il pas au moins d’éprouver pour Valmont la sorte de dégoût qui nous écarte de Mme de
Merteuil ? Laclos a marqué cette différence. Il
juge Valmont digne, malgré tout, du coup d’épée
qui tue, tandis qu’il garde pour Mme de Merteuil la
purulence qui défigure et la petite vérole qui laisse
vivre. La mort, la maladie, le couvent, l'exil, telle
est la fin de cet étrange livre de cynisme, de fourberie, de libertinage, de ce livre plein de « sentiments feints et déguisés », d’actions scélérates, de
gaietés terribles, de maximes impitoyables, de ce
livre qui est un des tableaux les plus noirs qui aient
été peints d’une société, car si l’Innocence y est
représentée, n’est-ce point par cette Cécile de
Volanges naïve, sensuelle, pervertie et niaise ; si
l’Honneur s’y montre, n’est-ce pas en la personne
de ce petit sot de Chevalier Danceny ? Et ce n’est
pas tout. Voici la Bonté sous les traits de Mme de
Rosemonde, impuissante à prévenir les maux qu’elle
prévoit, et la Prudence sous la figure de Mme de
Volanges, jouée et ridicule. Voici la Vertu. Elle
emprunte le céleste visage de Mme de Tourvel, et
elle n’apparaît que pour succomber.
C’est sur cette impression douloureuse que se
terminent les Liaisons Dangereuses. A la fin de
leur édition de 1782, Laclos y annonçait une suite.
Elle devait continuer les aventures de Mme de Mer-