Page:Régnier - Portraits et Souvenirs, 1913.djvu/95

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très françaises. Quelques-uns même de nos plus grands écrivains n’échappent pas à ce reproche d’obscurité. Citerai-je Rabelais, dont l’œuvre encyclopédique n’est ni lisible, ni compréhensible sans une explication continuelle ? Citerai-je Ronsard, que ses contemporains eux-mêmes prirent soin d’éclaircir de commentaires ?

Mais, sans aller si haut, ne serait-il pas possible d’établir une liste d’écrivains dont les œuvres délicates et singulières forment dans la pénombre de notre littérature un groupe un peu à l’écart, et dont les écrits quelque peu exceptionnels attirent la curiosité justement parce qu’ils sont comme en dehors de la grande voie lumineuse d’où leurs auteurs se sont éloignés par raffinement, par souci d’un art plus subtil ou plus spécial, qui n’était pas d’écrire dans le goût de leur temps, et qui était le signe chez eux d’une disposition d’esprit particulièrement originale. A ceux-là, pourquoi leur reprocherions-nous des recherches plus hardies, des intentions plus aventureuses ? Pourquoi, en faveur de leur singularité, ne les dispenserions-nous pas des moyens ordinaires d’expression ? Pourquoi ne leur passe- rions-nous pas quelque manque de clarté ? Admet- tons qu’ils ne fassent pas partie de la grande architecture littéraire d’une époque, qu’ils ne lui soient pas indispensables, mais reconnaissons-leur, dans l’ensemble de la structure, une valeur d’ornemen-