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LA DOUBLE MAÎTRESSE

renoncer aux gazes légères dont elle enveloppait sa beauté, elle tenait à se sentir au plus chaud. Sa maison était admirablement aménagée à cet effet. La fermeture des fenêtres et des portes était exacte, et l’air entretenu avec soin d’une tiédeur égale. Son corps souple vivait secrètement dans une chaleur ouatée. Elle s’y trouvait à l’aise et, ainsi douillettement emmitouflée en dessous, elle conservait en dessus ses robes printanières ; et à l’abri des vents coulis, les pieds enfouis aux coussins, elle s’envoyait nonchalamment au visage, de son éventail parfumé, la caresse d’un continuel zéphyr.

M. de Portebize la trouvait ainsi charmante ; il regardait avec étonnement cette personne molle et vaporeuse qui donnait l’idée de je ne sais quoi de fragile et de tendre, en la paresse de ses mousselines ; et il se demandait comment pourrait bien sortir de cette rose épanouie l’abeille agile dont le vol vif avait ébloui ses yeux et vibrait encore à son souvenir.

Le premier convive à qui le chevalier de Gurcy présenta M. de Portebize s’appelait M. de Parmesnil.

M. de Parmesnil était un grand et bel homme, maigre, poli et cérémonieux. Naturaliste et voyageur, il avait fait le tour du monde. On sentait à le voir que les spectacles les plus singuliers, les coutumes les plus bizarres, les circonstances les plus étranges n’avaient pas dû le faire se départir de ses façons et de ses habitudes. On l’imaginait aux Antipodes comme il paraissait ici même. Il