Page:Rémusat - Le Livre des récompenses et des peines.djvu/62

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le père de la demoiselle revint et entra tout à coup dans la chambre de sa fille. Il aperçut le jeune homme, et entrant en fureur, il les tua tous les deux. Le lendemain, quand on proclama les noms des candidats admis, le second étudiant ne parut pas ; l’autre, qui avait obtenu un degré assez élevé, dit à ce sujet à ses amis : Si j’étais allé à ce fatal rendez-vous, au lieu d’être porté sur la liste des licenciés, je serais en ce moment couché sur la liste des esprits impurs. » C’est que, dans la doctrine des Tao-sse, les âmes des méchans sont, après leur mort, condamnées à remplir les fonctions de mauvais génies ; ils sont même classés, distribués en différens ordres, chacun suivant le genre de ses attributions, et l’on en tient des listes fort exactes[1].

Malgré la sévérité des lois et les perpétuelles déclamations des moralistes et des sectaires, la corruption des mœurs est aussi grande à la Chine qu’en toute autre contrée. À la vérité, la plupart des écrivains poussent la modestie des expressions jusqu’à l’affectation la plus ridicule. Mais il y a aussi un bon nombre d’ouvrages où règne le cynisme le plus révoltant. Nous avons ici un recueil de contes qui peut être mis, sous ce rapport, à côté de Pétrone et de Martial. Je dois convenir pourtant que le lien conjugal n’y est presque jamais un objet de sarcasmes et de dérision. On pourrait en tirer une conséquence fa-

  1. Voyez les Mémoires concernant les Chinois, t. XV, p. 233 et suivantes.