Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/297

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sa blessure le fit s’évanouir, et nous l’emportâmes loin de cette triste scène.

Mon ami alors me suggéra l’idée de fuir, mais je rejetai ce projet, bien décidé à subir toutes les conséquences de cette affaire.

— Éloignons-nous au moins quelque temps, dit-il, jusqu’à ce que sa blessure soit déclarée dangereuse ou non : notre salut en dépend.

— Non, répondis-je, pas un seul jour. La destinée peut m’accabler… maintenant la vie m’est à charge ! car on doit croire aux paroles d’un mourant. Je le vois, elle était sa maîtresse. Oh ! je fus bien cruellement trompé !…

Je pleurais… ma situation ne peut être comprise que par ceux qui, comme moi, ont vu un instant trancher tout un avenir de bonheur. L’univers m’apparut dès lors comme une solitude vaste, immense, où j’allais être condamné à traîner ma vie triste, isolé. L’infidélité d’une femme venait me plonger dans une douleur éternelle

La nouvelle d’un duel s’était répandue, et la curiosité s’empressa d’en connaître les raisons. Chacun en imaginait de plus ridicules et de plus fausses les unes que les autres ; mais tous les efforts furent inutiles.

J’étais bien persuadé de la vérité des assertions de Bréville ; je plaignais sa passion absurde pour une femme qui, malgré les faveurs qu’elle pouvait lui avoir accordées, lui était évidemment infidèle, et paraissait avoir voulu se défaire d’un amour qui la fatiguait, et même au prix de sa vie. Je déplorai la dépravation d’une femme qui, sous le masque de l’innocence, avait cherché à surprendre le cœur d’un jeune homme simple et confiant. Aurait-elle consommé cette union consommée dans la déception ? Était-ce de l’amour pour moi que d’encourager une rivalité contre un amant qui s’était déjà battu si souvent pour elle ? L’amour de Bréville même me parut méprisable ; la publicité qu’il avait donnée à leur liaison me semblait un moyen bien bas pour se l’assurer. Peut-être aussi que sa conduite étant