Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/106

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honnêtes ét les plus-delicats : à mon grand étonnement, Tiénnette osait dire comme ſa Maitreſſe ; elle avait l’effronterie d’en-étaler que je n’aurais-pas-crus moins-beaus, ſi je n’avais-connu le Sujet. Enſuite, je ne ſais à quel propos elle a-été parler d’Edmée : elle a-decouvert ce qu’était cette aimable Fille, ét je vais t’en-faire-part.

Edmée-Servigné eſt fille d’un Vigneron aisé, qui a-perdu ſes deux grands Garſons par un malheur, ét qui peut donner à chaqu’une de ſes deux Filles un aſſés-bon mariage. La Cadette (c’eſt la jolie) a-reçu une éducation beaucoup-meilleure que ſon Ainée, ayant-été-élevée aux Dames-de-la-Providence, depuis l’âge de ſix-ans, juſquà quinze, auprès de ſa Mareine, qui était-là-penſionnaire. C’eſt ce qui fait qu’elle vit fort-retirée, ét qu’elle ne ſe-mêlé guêre aux jeux ni aux divertiſſemens de ſes Pareilles ; parceque dès qu’elle ſ’y-trouve, elle les oblige d’éloigner les Garſons de leur connaiſſance, que leur groſſièreté lui rend inſupportables. Cette Jeuneperſone eſt-fort-inſtruite ; elle ſait-auſſie faire mille petits ouvrages, ét ne ſe-trouverait pas deplacée parmi d’Honnétes-gens (comme on dit ici, en-parlant des Riches) ; aulieu qu’elle le parait beaucoup avec Ceux de ſa condition : — Ce qui n’eſt peutêtre pas avantageus pour elle (a-remarqué Tiénnette), ét lui fait-mener une vie fort-triſte ! elle meriterait Quelqu’un qui l’aſſortît-.

Effectivement, mon Frère, voila une char-