Aller au contenu

Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayes des entrailles de Mère ; je te mepriserais, ſi tu n’aimais pas toute ta vie ce que tu as-porté dans ton ſein.

Ce qu’ajoute enſuite le p. D’Arras, me ſurprend-moins que tu ne l’imaginerais ; je ſais combién ſa façon-de-penſer eſt libre ; mais tout ce qu’il peut dire ou faire, ét tout ce qui me l’aurait-fait-haïr lorſque j’étais ſans experience, à-present je le tolère[1]. Ne ſavons-nous pas comment on penſe dans les Cloitres ? Ma Chère, il faut prendre les Hommes comme ils ſont, ét ſ’en-faire des Amis. Quant à toi, je te declare, que je m’en-reposerai toujours ſur ta vertu : ſi tu me trompais, ét que je le decouvrîſſe, le mepris ſerait ma vengeance : ſi aucontraire tu m’es-fidelle, je regarderai ce qui n’eſt que ton devoir, comme une grâce, ét j’en-aurai la même reconnaiſſance. Ton bonheur ét le mién dependent de notre attachement mutuel ; ét quand une Famme eſt aimable comme tu l’es, qu’elle joint l’efprit à la beauté, c’eſt ſa faute ſi elle ne trouve pas dans un Mari honnête-homme, l’Amant, l’Épous ét l’Ami.

Je ne me fatigue pas à t’écrire, mais tu te fatiguerais à me lire. Adieu, chère Poupone : j’embraſſe ta Mère ét ta Sœur : Dis-leur que je les trouve bién-genereuses, ét que ſi le malheur fût-arrivé, il y-aurait-eu des refus de ma part auſſi-ſincêres que leurs offres.

  1. C’eſt ce qui arrive toujours, quand on ſ’eſt-mis dans le cas de menager un Scelerat par d’infames confidences.