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Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/260

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malapropos chés nous[1], que je n’ai-pu te faire-part de mes diſpositions actuelles ; je vais ſuppleer à ce que ton depart m’empêcha de te dire.

Ma Famme était dans un grand danger, lorſque je lui écrivis ; je le ſavais, ét je le diſſimulai : on dit que ma Lettre lui causa tant de joie, qu’il ſurvint une crise heureuse qui l’a-tirée-d’affaire. Je lui rens donc la vie une ſeconde-fois ; tu ſais que le ſervice que l’on rend, attache plûs que les biénfaits reçus[2]. Elle eſt-ſortie du Couvent : rién n’a-tranſpiré. En-la-revoyant, je l’ai-trouvée ſi-jolie, que je n’ai-pu me-repentir du ſacrifice, Etpuis, c’eſt un ragoût delicieus ét nouveau, que ces voiles du miſtère, dont nous ſommes obligés de nous enveloper. Comme on ne ſait pas tout l’interêt que je prens à elle, dans les Cercles où nous-nous-trouvons, on me dit bonnement ce qu’on en-penſe : juſqu’à-present, on n’a-fait que la louer, Chaqu’un à ſa manière. L’un ſoupire pour elle, ét me l’avoue ; l’Autre ſ’exprime cavalièrement, ét m’excite à faire de-même. Dupille voudrait une de ſes nuits, dût-elle étre la dernière de ſa vie ; Des Fourneaus lui ſacrifierait tout, juſqu’à ſon impertinence ; le beau Pierrefite, ſon miroir ét la fatuité ; Charmelieu ſes bois ét ſes métairies : Bellombre ſon château ; il n’eſt pas juſqu’à l’Automate Baudeſſon, qui ne vendît pour elle ſes

  1. Il lui avait-commencé ſa confidence à Saci.
  2. Belle verité, à laquelle on ne fait pas aſſés d’attention ! c’eſt ce qui nous rend ſi-ſenſibles à l’injuſtice des Ingrats.